
Il était une fois, dans le milieu de nul part, que tout le monde reconnais à son absence de signes extérieurs d'humanité. Dans un paysage plat et horizontale. Un petit corps, détruit par son age. Mutilé par la force de la nature. Il n'avait pour seul ami que le grand homme qui habitait son esprit. Vêtu par sa seule nudité, nourri par le travail quotidien. Dressé, comme les arbres ,par la nature, il ne désirait qu'elle. Ce grand homme n'avait de cesse de répéter inlassablement qu'il ne fallait vivre que d'amour et d'eau fraiche. Le petit homme, lui, s'atrophiait, et ne s'ennuyait jamais de sa vie vide de sens et d'idéologies à suivre. Un jour alors qu'il se demandais pour la première fois si la mort valait la peine d'être vécue, le grand homme qui vivait en lui l'entretint en ces termes: "Petit homme, vous avez une vie riche d'expériences nouvelles à vivre devant vous, il serrait dommage de ne pas la vivre pleinement comme vos semblables qui se distraient de l'autre en se surprenant dans leurs échanges pour le plaisir de le faire." Ce à quoi il rétorqua: "Je refuse de penser pour moi seul, grand Homme. Quand le comprendras-tu? Et que puisse me faire que ma vie ne parvienne pas à son terme? Si ces imbéciles trouvent un quelconque plaisir à comploter et à s'influencer dans leur pompeuse allégresse, ils le font dans la liberté la plus illusoire car ils pensent influencer l'autre mais le pensent influencés par l'autre." Ce à quoi le grand Homme lui rétorqua: "Comment, illustre acariâtre, pouvez-vous m'exposer votre pensée quand celle ci consiste à maintenir que l'échange conduit à une liberté illusoire?".--- "Sans-doute préférez-vous vous convaincre que vous m'êtes étranger, c'est alors la partie de moi qui vous est réservée qui se laisse bercer dans l'illusion." Le petit homme pensait à rompre avec son tortionnaire. Il pensait pourtant avoir gardé la raison. Il faillait se rendre à l'évidence: son ermitage l'avait rendu fou. Mais aucune solution ne lui venait à l'esprit. Il détestait les Hommes et rien ne pouvait lui faire rallier le troupeau. Il avait toujours espéré voire se matérialiser la solution. Il avait cru voir,dans ses rêves, l'arche au milieu des vestiges de sa pensée saccagée. Mais il se réveillait dans un sentiment d'impuissance. Il avait pourtant cru apprendre que chacun détient sa solution. Hélas, la sienne, lacérée, était si profondément enfouie qu'il ne savait plus qu'entretenir le terreau de sa propre perdition. Machinalement. Plusieurs années s'étaient écoulées avant que le petit Homme décide d'aller constater « l'évolution » du troupeau. La solide nature l'assiégeait. Il pensait la combattre malgré lui. Chacune de ses enjambées le désespérait: il se sentait lessivé, lassé de ses pérégrinations. le silence incertain le suivait partout où Il avait retrouvé un sentier. Il n'en avait pas vu depuis plus d'une décennie. Il croisa une jeune femme, qui, effrayée par la nudité du petit corps, fit volte-face. Il crut percevoir une incarnation de la Vénus. Ce réflexe alerta à la fois les deux hommes. La Vénus était pétrifiée. Les hommes décidèrent conjointement d'observer ce nouvel arrivant. Elle ne manifestait aucun autre signe de vie que sa verticalité ostentatoire qui leur faisait savoir que cette obélisque se distinguait de la pierre ou du roseau. Le petit homme prit l'initiative de faire un pas en avant tout en entretenant le grand homme :"Voyez-vous, c'est pour cette raison que je n'aime pas les autres."---"pourquoi?"--"Vous ne le voyez donc pas? Je ne sais jamais ce qu'il faut attendre d'un être humain! Est-elle morte? Est-elle inoffensive?" ils poursuivaient alors leur examen en faisant le tour de l'objet, dans le silence le plus effrayant. "Croyez-vous que ce soit un corps? Elle ressemble à une statue."---"Je ne veut pas le savoir!" Le vieillard était assailli de craintes et d'envies. Il frissonna en constatant sa curiosité. La jeune femme ouvrit la bouche dans un sanglot et poursuivit:"[[[[Notre père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre volonté soit faite...]]]]"---"Comment? que dites vous jeune enfant?" lui adressa le corps nu dans une rire qui parut, à tord, exagéré. Le grand homme parut surpris des paroles de son créateur. "Vous-êtes-vous donc résigné à accepter l'échange d'idées?"---Le petit homme, faisant mine de l'ignorer: "Croyez-vous?" Elle parut s'armer de sang froid en séchant ses larmes et en cessant ses messes basses: "Oui monsieur, étonnée, je crois."---"Ne le croyez-pas... ...mademoiselle?" "Venus." "hé bien, Venus, sachez-le si cela peut être su. "---"Je ne concevrait pas de vivre, monsieur, si ma vie n'a pas d'utilité."---"Effectivement, mademoiselle, certains ressentent le besoin de le croire, d'autre tentent de le savoir en vain, et enfin, il y a mes paires, ces pauvres gens qui trouvent ridicule de vouloir régir l'existence humaine à partir d'une idée qui ne se prouve pas." La Vénus parut outrée mais fut séduite par l'idée. La jeune fille, ayant définitivement repris son aise le questionna sur le fait qu'il soit là, seul, nu, en ermite et s'il ne s'ennuyait pas de ne rencontrer jamais personne. "Il est vrai que je m'ennuie seul dans ce désert. Je m'entretiens depuis je ne sait quel nombre d'années avec moi même et j'en vient à me détester moi-même: Je sombre dans la schizophrénie. Je pense qu'il est temps de m'en retourner vers mes semblables et pouvoir enfin déterminer ce qui est meilleur: un asservissement intéressant ou une liberté ennuyeuse? Comment êtes vous parvenu ici?" *** Ils finissaient leur énième verre de vin devant un interview d'Albert Sarphagie, président, quand on sonna à la porte. Vénus alla ouvrir, une verre de piquette à la main, dans une vocifération trébuchante: "c'est qui qui va sonner à c't heure sans prévenir." Elle rit en entendant ce qu'elle avait dit. L'homme en face d'elle, lui, ne riait pas pour la simple et bonne raison que celui-ci, malgré qu'elle soit dans un état d'ivresse avancé, restait tout de même l'huissier de justice, gris, gras,âgé et au regard aigre. Il avançât presque machinalement sans paraitre devoir se mettre en mouvement tel un être hybride mi-fantôme mi-robot tout en prononçant un funèbre "bonsoir". La Vénus était restée sur le pas de la porte. Une larme coulait sur sa chaude joue rosie par l'alcool. "Bonsoir monsieur, voulez-vous un verre de vin?". Il passa son chemin sans interrompre sa lente et fatale progression. Et elle continuais sans en avoir l'air de contempler le carrelage en se répétant, afin de penser à autre chose: "Ce qu'elles sont belles ces couleurs lorsqu'elles se mélangent." Elle redoubla d'efforts pour garder les pieds sur terre. Mais elle se prit à vouloir se parler à elle même. Elle s'alluma une cigarette et finit par sombrer. Assise, cul et chemise, sur le froid damier, après avoir vaguement pensé qu'elle devait devenir folle, elle ne résistais plus. Elle se demandait, d'un long sanglot qu'elle seule comprenait, pourquoi était elle aussi bête? Elle en arriva à perdre la conscience de ses actes. Et voilà qu'on tente en vain de la réveiller. "Je suis morte! Vous êtes contents?" "Elle s'en sortira monsieur, rassurez-vous." "Mais non! Je suis morte! Je ne veut pas m'en sortir! Je ne veut pas être vivante! Laissez moi être folle!" Elle courut, mentalement, vers la lumière. *** "Je ne savait pas que la morte était comme ça... Je n'imaginais pas qu'elle puisse avoir un réalisme aussi poignant. J'ai l'impression de vivre ma mort!"---"Vous ne vivez rien, Mademoiselle, d'autre que votre vie en ce moment précis: Vous êtes seulement ce qu'on appelle dans les milieux d'influence une déséquilibrée mentale..." "Une déséquilibrée mentale? Moi!! Mais vous-êtes-vous regardé, vous que je prenais pour une âme égarée?!" "Je ne suis pas plus fou que vous : j'ai quitté les Hommes tout comme vous l'avez fait." "je ne suis pas folle en effet, mais je ne quitte pas les Hommes... Pas plus que vous." Ils se turent un long moment, comme dans une prise de conscience existentielle, sous l'œil atterré du Grand Homme qui ne comprenait plus rien à leur communication pleine de vides et de regards probablement pleins de sens mystérieux. "Est-ce que je vous déranges? Ils finirent enfin par reprendre leurs esprits et décidèrent de se mettre, à --comme le déclara le petit homme-- "la plus saine des activités": le travail indépendant. Ils ne se quittèrent plus, sans doute avaient-ils compris que se débarrasser de leurs souffrances respectives était simple: rester seul avec un seul autre être humain qui ne partage que le désir de vivre en paix. Ils n'avaient dors et déjà plus besoin de se parler. Ils savaient se battre en eux mêmes pour la paix: le moindre désir de l'autre devait être su et assouvi ou mis en suspend au profit d'un besoin vital. Ils s'entretenaient insensiblement à ce que devait être l'action la plus appropriée. Le petit homme voulait manger quelques graines afin d'assouvir sa faim grognante et Vénus, elle, encore satisfaite du petit déjeuner de baies qu'elle s'était autorisée ce matin là alors qu'elle ne dormait pas depuis bientôt une semaine, voulut dormir et laisser le petit homme travailler. Ils décidèrent que le travail de chacun ne devait pas être forcé par l'autre et le petit homme prépara donc deux repas et laissa Vénus dormir après lui avoir indiqué l'endroit où se trouvaient quelques brindilles et une peau de bête. Elle prépara seule sa couche et succomba au sommeil, apaisée par la présence du sage homme. "Vénus... Vénus!" Elle se réveillat doucement, elle avait oublié de se couvrir et dormait pourtant à poings fèrmés. Le petit Homme lui tendit un morceau de bois sur lequel se trouvait quelques graines d'avoine rendu sauvage par le vieillard qui avait réussi à les planter ainsi que des baies et un oiseau qui semblait avoir dépassé l'age de voler et qui se tenait debout, dans une posture sereine. Le petit homme expliqua, les yeux pleins de satisfaction qu'il était parvenu à fabriquer un piège foudroyant: il avait déposé une plume qu'il avait enduite d'un peu d'un suc qui avait le même effet que certains de nos antidépresseurs .l'oiseau mangeât quelques graines avec un regard d'indifférence. Il ne savait pas le danger qui l'attendait peut-être et s'accommodait des graines qui le laissaient, elles aussi dans l'indifférence. Le petit homme jeta une graine que l'oiseau avala. Il devint soudainement somnolent. le petit homme le mit dans une cage de brindilles et déclara: "Il sera notre nouveau compagnon si tu le veut bien." La jeune femme se releva et dit que sa cage le rendrait mélancolique. Il expliqua alors avec un sourire que cette cage n'étais que provisoire et que l'oiseau, s'il était drogué régulièrement et qu'on lui trouvait une compagne elle même droguée donneront des poussins qui seront encore plus dociles alors même qu'aucun d'eux n'aura ressenti la moindre souffrance. "Mais nous allons les déterminer à rester avec nous! Nous sommes libres et tu pense déjà à asservir!?" Il conclut que c'était vrai mais que les oiseaux, étant donné que le seule inconvénient de l'état dans lequel nous sommes est que nous avons toujours faim. "préférons nous rassasier d'œufs en ne faisant souffrir que deux êtres. Si tu me demande "pourquoi eux?" je ne peut te répondre qu'en te proposant de ne manger que des baies et en mourant de malnutrition..."L'incident clos, ils mirent une deuxième fois le piège en place et obtinrent de cela quelques mois de survie. Prévenus de l'arrivée imminente de la pluie par un gros nuage, ils se hâtèrent de construire un abri et, parce qu'ils étaient prévoyants, ils mirent ensuite en place des pièges à escargots à l'aide de quelques brindilles qu'ils plantaient afin que les mollusques puissent tomber dans le trou mais pas en sortir à cause de leur coquille. En finissant un piège d'apparence particulièrement efficace, la jeune femme dis:"Posuit eum in paradiso voluptatis ut operareteur et custodiritet illum." Après un long silence, elle poursuivit: "Ce qui prouve que l'Homme n'est pas né pour le repos. -- travaillons sans raisonner, c'est le seul moyen de la vie supportable." L'homme releva la tête: "Cela est bien, répondit-il, mais il faut cultiver notre jardin." "Vous aussi, vous l'avez-lu? Moi qui croyais que vous étiez un pauvre acariâtre rabougri sans la moindre éducation!" s'étonna-t-elle faussement en lui assénant un sourire face auquel personne n'aurait pu se relever. Il alla sans un mot vers l'abri. Venus le suivit et, arrivée prés de lui, il lui décrivit sa vie alors même qu'il était encore dans la société. Il compta avec un visage qui inspirait la concentration, la gravité et il semblait être transporté dans ses souvenirs. *** J'étais un jeune et heureux lycéen pour qui rien n'avait plus d'importance que ma paix et celle des autres. Je m'emportais lorsque la paix était profanée dans le moindre de ses temples, dans un mouvement paradoxal qui fait que le pacifiste désabusé finit par poser des bombes au nom de ses idéaux. Je n'avais pour tout trouble que ma propension à m'attacher aux gens que je savais déjà changeants et en perpétuelle lutte contre eux mêmes et pour leur intégrité. Je n'avais persuadé de suivre mon but (alors que chacun le partage avec l'humanité) qu'une seule personne dont le visage m'a progressivement étés pris par l'injure du temps. Je le rencontrais lors d'un énième joint près de notre arbre dont l'énorme tronc formait de ses racines des bancs miniatures sur lesquels on aimait à converser et à rire, béats. Il était d'une signifiante indifférence à ce qui pouvait se raconter et une plénitude passée et présente se lisait sur son visage. Je jugeais qu'un contacte, fut-il spontané et brusque, avec l'autre ne le dérangerais pas. Je m'approchais alors de lui et le saluais ainsi "S'lut! T'aurais pas une clope s'te plais?" "Non. désolé, me répondit-il. Je ne fumes que des joins d'herbe. Tu t'apèlles?" "Constant, Constant Bellic. Et toi?" "Victor Ratio" Je sortis un sachet. Pour tester son stoïcisme. Il regarda le sachet et ne cilla pas. J'engageais alors reèlement la conversation en préparant notre "rencontre" qui sentais bon cette nature mystérieuse: "Tu sais, j'ai un devoir de philo et, je galères. Tu saurais me donner deux ou trois tuileaux?" "Bien sur! Vas-y." "Alors, c'est: la recherche de la paix prime-t-elle sur la recherche du bonheur?" Il m'avoua que la paix et le bonheur lui semblaient à première vu indissociables mais, en-y réfléchissant, il s'avéra plus bavard :"Non. Ça n'a rien à voir: la paix, pour moi, finalement, c'est l'absence de toute recherche, de toute contrainte et obstacles: si on recherches le bonheur, on finit forcement par faire face à des situations où notre paix n'est pas garantie: lorsqu'on désir, on est voué à toujours désirer." Il devait être naturellement raisonnable. Il m'impressionnait. Je lui expliquais alors, lorsqu'on dut retourner à nos occupations, que ce sujet était fictif et que je ne cherchais qu'à m'occuper. Ce fut la rencontre qui rendit ma vie enfin intéressante. Une personne philanthrope, raisonnable, intelligente et d'une inertie considérable était enfin devenue mon interlocuteur. En discutant un jour avec Victor, il m'avoua détester tout le monde. Je m'etonnais: "Comment une personne aussi raisonnable que lui peut être misanthrope ?(alors que je l'étais moi même)" me dis-je en moi même et lui demandais: "Tu n'es pas serieux? Bien que je déteste la plus grande partie des Hommes, je ne peut pas être misanthrope!" Il baissa la tête et me rétorqua que la seule chose qui l'interrogeais chez l'Homme est la façon précise dont ses pensées se mettent en place. Il ajouta que ça ne faisait pas de lui un animal moralement innocent... J'acquiesçais: "Effectivement, et je pense de plus en plus à vivre en ermite... Mais je ne déteste pas tout les Hommes! Certains ont amélioré nos vies." "Ils nous vendraient tous pour leur seule paix." Il ria.
Un autre jour, alors que je venais de rentrer chez moi après une fête, ma mère était assise sur le canapé.
Je regardais ma montre, titubant. Il était tard. Elle pesta: "Nom de Dieu ["quelle plaie!", pensai-je.]
As tu vu l'heure? ["là dessus, elle a raison.", que j'me dis.] " "Désolé maman." "Nan, mais tu crois que c'est pour
quoi que je t'ai mis au monde?" Elle se leva. Elle était saoule. je sentis la haine m'envahir: "Et pourquoi?"
"Quoi? Qu'est c'que ça veut dire?" "Rien de plus que: Fais attention à ce que tu peux débiter. Ivrogne!"
Je fis volte-face et décidais de mettre en œuvre mes projets.
J'avais pris Ma Fuite. Plus rien ne me liais à mon ancienne vie et je partais sur une route, puis
un sentier, puis dans le désert total. J'évitais ensuite tout ce qui ressemblais à une construction et je
suivais le majestueux envol du flanc des montagnes qui se dessinait vaguement, au loin, dans la brume miroitante .
"si je ne suis né pour rien, Je renaissait pour quelque chose. Seulement, je voudrais avoir pu croire encore que la
première naissance était la bonne. En plus de ça, j'avais compris ce que l'échange représentait: un moyen de s'affronter sans
s'affronter. Un outil de mesure de la capacité à faire mal. Au lieu de comparer ma bite aux autres, je préfère l'utiliser
dans autre chose qu'une masturbation intellectuelle collective: L'amour et la paix. Car au jeu de la biscotte, j'aurais
préféré que la semence putride des autres ne soit pas imposée au perdant mais qu'on la conserve pour qui voudra
bien l'ingurgiter."
Elle riait à gorge déployée. "C'est joyeux comme vision! Mais qui mange la biscotte ici?" -- "Personne. J'ai
beau faire dans le style, ce n'est plus de la masturbation: c'est de l'Amour. Du désarroi, de la prostration.
Ais-je jamais dit que les passions étaient mauvaises? C'est la raison commune qui l'est."
Le petit Homme s'enfouit dans ses pensées. Il demanda à Vénus de l'excuser et s'en alla au loin.
***
"Et dire que de jeunes gens sont gavés de biscottes cinques jours par semaines! Comment ne pas se rendre compte
que tout ça n'est que du vent." Il ravisa sa pensée: "Tout cela n'est pas rien: c'est une énorme muraille dans laquelle
l'Humanité s'est enfermée. Ça n'est rien de moins qu'un garde-fou, une ligne imaginaire que certains envisagent vaguement de
briser. Mais que tout le monde accepte finalement." "Dans ton manque de résignation, tu a perdu la raison. Quelle idée
puérile!" "Ah! Te revoilà! Avorton! Tu n'es que le rail désaffecté des illusions perdues! Tu est le passé! Tu n'a que
"Grand Homme" pour nom; tu n'est qu'un Napoléon de plus. sors de ma vie! Je ne suis pas ton créateur." "Et toi, tu n'as rien!
Tu n'as que tes ruines! Ta semence retenue tu vomiras! Tes idéaux à la con, ne tiennent plus depuis que tu a prononcé
mon nom." Le petit Homme s'effondrait, en prise aux souffles des Désespoirs. Ils se tenaient là où il dirigeait son regard
implorant. Il crut recevoir le coup de grâce des chimères informes qui peuplaient son esprit. Ceux-ci repoussaient l'étreinte
finale: il ne mourrait pas. "Pas maintenant!" Hurlaient-elles. "Tu n'aura jamais les faveurs de la mort!"
Il les vit partir. Elles s'éloignaient de son corps meurtri et déployé ne demandant qu'une chose: qu'on l'achève; Qu'on
accomplisse sa Fin. Il se releva. Dans sa courbure tombaient les larmes d'une trop grande faiblesse. Et dans cette même
distorsion s'assombrissaient ses sens. Un enchevêtrement de phrases cruelles investissaient son champ sonore. Un amas de
formes tendues et contrariées semblaient être sur le point d'exploser, là, sur ses tempes émaciées prêtes à craquer. Envieuses
de laisser se dissoudre tous ces éclats de craies métalliques dans son crane. De croquer dans un rocher à s'en faire péter
chaque vertèbre. De boire les sifflements sauvages des incantations insidieuses scandées par je-ne-sais-quoi. De faire céder
sa peau scarifiée aux sombre sinuosités, aux cautères, aux cris, aux crissements des larmes fumantes sur sa joue, aux
longues lignes lacérantes des ongles sur ses yeux. Aux feux flottants dans cette scission circulaire. Faire péter
les petits liens qui prennent sa poitrine dans une apathie pénétrante avec pour opale les pointes de verre oppressantes et
hypnotiques des paroles se multipliant dans sa pupille dilatée par sa plate et pathétique agonie. "Pactise!" prêchait l'un.
"Craque!" criais l'autre. Tous s'accordaient enfin au diapason du crissement sacré de chaque retour à la normal: "Sacrifice.
Crime. Cruauté." et répétaient en disparaissant :"Telles sont nos exigeances."
Il fuia, hagard, comme toujours. Et finit par céder à la Haine, grande prêtresse, éternelle insatisfaite.
Laisser la place à ses démons lui semblait la seule échappatoire. Une petite voix, familière appelait au calme.
Il ressentais, à son écoute, comme la sensation que l'on a lorsque on prends conscience qu'on a tord. La sensation qui
précède l'obstination aveugle. La sensation qui accompagne toute opinion contrariée. La sensation qui a mis notre
société à genou face à des figures qu'elle ne reconnaissait pas. Le vide profond que toute absence d'argument
pour se convaincre soi-même inflige. La passion à l'origine du "peu-importe". A l'origine du "Et toi alors?". A l'origine
de toute la mauvaise foi des Hommes. De l'acceptation de l'esclavage. Du cautionnement la guerre. De la montée du national-socialisme.
De la survie. De l'évolution. De tout. L'égoïsme: un sentiment raisonnable, peut-être.
Peut-on blâmer le fait que l'idée lui soit venue d'exterminer toute forme de vie humaine? C'est la faute de Dieu, bien entendu.
C'est la faute du sentiment qui nous rend Humain, assurément. Du petit homme, il est humain. De l'humanité, Il n'est pas seulement humain.
De lui-même, bien entendu. Votre "correspondant" est très inspiré par Jacques le Fataliste dernièrement, c'est pourquoi il viens
de décider de s'adresser à vous en italique tant qu'il lui plaira. (ceci était un communiqué du ministère de la glandouille.)
C'est vrai! Pourquoi je me malmènerais pour vous sans que je puisse vous malmener?
Cette parenthèse fermée, nous allons pouvoir continuer notre longue progression. Vers quoi? Et toi? Où vas tu?
A ta perte. (Notez que si j'avais eu le même type de personnages que Diderot, mon Jacques se serrait immédiatement
exclamé: "Buvons à ta perte!") Mais tout cela est écrit là-haut. Je m'égares...
poursuivons.
Le grand Homme, critiquant son sentiment, en tira qu'un retour aux contrées peuplées était nécessaire.
Il retrouva Vénus, dont le visage sentait l'inquiétude, et lui expliqua ses problèmes. Elle raisonna et prit sa décision :
"Tout ce que j'ai toujours voulu dans ma vie, vous l'êtes, Victor. Et cette nature ennuyeuse me pousse à penser comme vous.
Nous allons retourner à la vie en société. Mais nous y vivrons comme nous l'entendons, sans jamais offenser personne."
Il en convint de même et noua la couverture, vielle de cinques longues années, autour de sa taille.
Ils partirent ensemble en cherchant tous les petits signes de civilisations. Un mégot par terre puis une autre, puis une route
en gravier, puis en béton, puis un trottoir, puis une ville. Ils entrèrent dans la ville et se mirent à chercher à vêtir le petit Homme. Ils prirent alors la décision, étant donné qu'ils n'avaient pas le moindre sou, de chercher dans les poubelles. ils mirent un
temps à trouver quelques fringues d'adolescent. Vue que le petit Homme n'est pas bien grand, il avait maintenant l'allure d'un faux jeune.
A l'angle d'une rue, un attroupement se faisait: le petit Homme fut effrayé tandis que la jeune femme expliqua:
"Les émeutes font rage depuis peu. Les élections approchent mais Sarphagi, au pouvoir n'en démords pas: tout personne issue
de l'immigration devra obéir à tous les principes de l'état sous peine d'être expulsée dans le pays de la nationalité de
leurs parents." Elle se rendit alors compte d'une chose déconcertante: des haut parleurs dégueulaient de leurs spasmes éléctrophoniques, puis des sons assourdissant. Puis, chose comique, un message suivait ce tapage: "veuillez retrouver le trottoir le plus proche et vous éloigner de cinq mettre les uns des autres ou le dispositif anti-émeute sonore se mettra en route. 20... 19... 18..."
"Qu'est ce que c'est que ça!" "...15 je répète: éloignez vous les uns des autre de 5 mètres: la nation toute entière vous le demande!" J'admire Diderot mais je ne le suis pas dans son réalisme. Je préfère l'irréel, la situation exemplaire, mais vous aurez compris que j'aime le style "rhapsodique".
discours du Despote:( une anti-immigration qui vire au racisme)
"Voyez vous, chers compatriotes, il est de notre devoir d'exécrer certain d'entre nous: la science nous le dis. Rien ne fais un Homme plus que le savoir. Mais rien ne fais un monstre plus que le savoir couplé à l'inaction. Ceux qui sont convaincus du contraire sont ceux que l'on doit exécrer car ils manifestent de l'animalité dans laquelle les socialistes, communistes, et autres anarchistes sont restés. L'Humanité doit s'élever: ces gens là savent parfaitement que nous ne sommes pas égaux. Et nous ne devons garder que les meilleurs! Faire de ce pays l'élite! L'élite et la vermine ne se mélangent pas dans le meilleur des paniers de platine qu'est notre nation.
Vous vous demandez dans quel pays se trouve cet illuminé? Eh bien, attendez avec vos questions: il n'a pas fini et nous ratons, vous et moi, une partie de ses pérégrination glossaires.
...citoyens sont les ouvriers, les . Les intrus, ceux que j'appelle les faux citoyens, sont dans ce puits sans fin. Et ce puits, ensemble, nous allons le dynamiter! Nous, les vrais citoyens"